CinéMode par Jean Paul Gaultier : une histoire croisée du cinéma et de la mode
Le couturier cinéphile Jean Paul Gaultier et la Cinémathèque française de Paris proposent, jusqu’au 16 janvier 2022, l’exposition CinéMode par Jean Paul Gaultier. Un voyage à travers les genres et les styles, une histoire croisée du cinéma et de la mode où grands couturiers et stars de cinéma se côtoient le temps d’un somptueux défilé. Dans un parcours imaginé par le couturier, costumes et haute couture s’exposent dans un parcours tout en velours, métal et broderies : robes de Marylin Monroe, d’Audrey Hepburn ou de Catherine Deneuve, le vestiaire masculin de Dietrich, ou le short de Rocky, et même le justaucorps de Superman.
« Couturier transgressif, reconnu internationalement par son travail révolutionnaire sur les canons de la haute couture, précurseur des mélanges des genres et de la fluidité des identités, homme de spectacle qui conçoit chacun de ses défilés comme un show ou un court métrage expérimental ! et cinéphile averti, naturellement attiré par les films cultes devenus des astres fétichisés de la galaxie pop, Jean Paul Gaultier raconte et déploie à la Cinémathèque, à travers notre collection et de nombreux prêts, son histoire personnelle du cinéma, celle des rebelles sans cause, des icônes inspirées de la rue et des transidentités les plus sophistiquées. Que le spectacle commence ! » Frédéric Bonnaud, directeur général de la Cinémathèque française.
Le cinéma et la mode ont engendré certains films, quelques comédiens et couturiers renommés rappellent immédiatement ce que le cinéma et la mode ont pu engendrer en termes de collaborations fécondes, de magie et de renouveau des corps et de leurs images. Jean Paul Gaultier fait partie de ses incontournables. Régulièrement, il place ses collaborations sous le signe du 7ème art. Un esprit dans lequel s’est retrouvé Pedro Almodóvar auquel Gaultier est souvent associé en tant que costumier du cinéma mais aussi la pénétration de sa griffe pour la première fois dans Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway (1989). À travers Catherine Deneuve dans Au plus près du paradis (2002) de son amie et réalisatrice Tonie Marshall à qui l’exposition est dédiée. Mais encore de manière explosive dans « Le Cinquième Élément » de Luc Besson (1997).
Nacho Pinedo
Deux films ont une place particulièrement importante dans l’exposition. En tout premier, le film Falbalas de Jacques Becker (1945) dont l’histoire se situe dans l’effervescence d’une maison de couture d’après-guerre. Ce film a été une révélation pour le couturier et, sa toute première école de mode. Les costumes ont été réalisés par Marcel Rochas, l’un des premiers couturiers à avoir compris que le cinéma pouvait servir de vitrine à ses créations.
« Sans le défilé de Falbalas, je n’aurais jamais fait ce métier. » a souvent répété Jean Paul Gaultier.
Studiocanal
Studiocanal
Le deuxième long métrage est Qui êtes-vous Polly Maggoo ? du photographe américain William Klein (1966). Un regard aigu sur son époque, mise à nu de la téléréalité naissante, satire des délires égocentriques du milieu de la couture alors dominé par le Space Age, personne, du couturier misanthrope à la rédactrice en chef versatile, n’y est épargné.
William Klein
CinéMode est aussi une plongée dans les représentations genrées, sur le grand écran et à travers les vêtements. Défilent ainsi les femmes fatales ultra-féminisées d’Hollywood, telles Mae West et Marylin Monroe, dans leurs tenues ajustées aux décolletés vertigineux mais aussi la star française Brigitte Bardot, à l’avant-garde d’une mode prêt-à-porter simple, jeune et insouciante. Face à elles, les gangsters, cowboys et superhéros : John Wayne, Sylvester Stallone… Marlon Brando fait figure de véritable rupture avec Un tramway nommé désir d’Elia Kazan (1951). Il reste la figure la plus célèbre d’une nouvelle masculinité. Il incarne la mode de la rue masculine des années 1950 et toute une génération de férus de rock’n’roll qui, pour la première fois dans l’histoire des vêtements, ne s’habillent plus comme leurs parents.
Gaumont
Dès les années 1930, des stars hollywoodiennes comme Marlene Dietrich ou Katharina Hepburn affirment leur androgynie par le port de vêtements, pantalon, smoking, d’ordinaire réservés au vestiaire masculin. Aussi bien dans la vie que dans les rôles qu’elles choisissent, ces pionnières bousculent les codes pour faire valoir la liberté de s’habiller comme elles le veulent. Elles ouvrent une nouvelle voie esthétique et morale, prônant déjà l’égalité des sexes. À l’image de la marinière de Querelle de Rainer Werner Fassbinder (1982), symbole homo-érotique, ou du look androgyne bohème de Jane Birkin, exacerbé dans Je t’aime moi non plus de Serge Gainsbourg (1976). CinéMode par Jean Paul Gaultier raconte comment les vêtements trouvent une magnifique chambre d’écho dans le cinéma, qui n’a cessé lui-même de briser des tabous. Le tout dans un grand brassage de références et de détournement de codes.
Giancarlo Botti
Célébration ultime de la mode, le moment du défilé est un incontournable de la plupart des films dont l’intrigue se déroule au sein de la haute couture. La narration du film est momentanément suspendue pour montrer un défilé dans toute sa splendeur. L’un des plus mémorables apparaît en CinemaScope dans The Women de George Cukor (1940), pause émerveillée en couleurs dans un film en noir et blanc.
D’abord exclusivement sur rendez-vous, le défilé de mode se met en scène dans des salons à l’ambiance luxueuse. Les mannequins y prennent la pose, décrivant parfois elles-mêmes leurs tenues, avant de déambuler sur les podiums, le plus souvent rectilignes. Les fictions se sont très vite emparées de tous ses à-côtés : les essayages en backstage, la presse, le public, notamment celui placé aux premiers rangs composés de clients, journalistes, photographes et célébrités. De « Funy Face » de Stanley Donen (1957) au Diable s’habille en Prada de David Frankel (2006) en passant par Absolument Fabuleux de Gabriel Aghion (2001), les rédactrices en chef et les riches clientes incarnent avec humour les rapports de pouvoir du fashion world.
William Klein
Dans les années 1980, Jean Paul Gaultier, mais aussi Thierry Mugler ou Vivienne Weswood font du défilé de mode un spectacle à part entière. La scénographie, l’orchestration sonore et l’attitude des mannequins – qui semblent interpréter un scénario en une seule prise – font alors du défilé l’aboutissement d’une création collective similaire à celle du cinéma.
Dans le catalogue CinéMode par Jean Paul Gaultier qui accompagne l’exposition, le couturier s’exprime avec impertinence et émotion sur les liens croisés entre la mode et le cinéma et se confie sur les films qui ont inspiré sa vocation de créateur couturier. Le livre réunit également des entretiens de Pedro Almodóvar, William Klein et Josiane Balasko et des essais inédits de Hannah Morelle, Gérard Lefort, Nicole Foucher, Raphaëlle Stopin et Valérie Steele avec une bio-filmographie de Jean Paul Gaultier : Ma vie en films. Le catalogue CinéMode par Jean Paul Gaultier a été coédité par Flammarion et la Cinémathèque française, sous la direction artistique du couturier et de la direction d’ouvrage de Matthieu Orléan et Florence Tissot.
CinéMode par Jean Paul Gaultier
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